23. Drôle de cadeau d’anniversaire

30 avril 2007

F8flechettes

Vendredi 44ème jour
La maison a pris sa forme définitive. Elle ne bougera plus jusqu’à… ma mort.
En la voyant, un passant s’est écrié :
- Tiens ! Un starter home !
Je n’ai pu m’empêcher de sourire. C’est vrai qu’elle a tout d’une maison de débutant cette petite maison : Une chambre/salle à manger/salon, un coin cuisine, une petite salle de bain. Et à présent un petit porche d’entrée pour abriter le jeu de fléchettes. Mais au lieu d’être un commencement, pour moi c’est un aboutissement.
Combien d’épreuves m’auraient été évitées si seulement j’avais eu la chance de posséder une starter-home de ce genre en arrivant sur ce terrain.

F8insomnie

Ma mort, j’y pense de plus en plus souvent. Non que je me sente sur le point de mourir -j’espère bien revoir la neige encore une fois- mais je n’aimerais pas qu’elle vienne me prendre par surprise. Prévoir sa mort n’a rien de morbide, vouloir l’ignorer c’est jouer l’autruche. Compte-tenu de ma vie difficile, je ne peux guère espérer atteindre les 80 ans, mais… il me reste peut-être assez de temps pour terminer ce que j’ai commencé : amasser 7 000 $ et refermer mon livre de nettoyage. Une chose de sure : mes insomnies n’y suffiront pas. Alors j’ai reloué la machine à expresso à la journée.

F8regrets

Amoua m’a exprimé ses regrets à sa manière
- M’man tu sais pour l’autre soir : j’aurais pas dû te dire tout ce que je t’ai dit. C’est ta vie après tout, ça me regarde pas. Si t’as pas épousé papa, c’est que tu devais avoir tes raisons.
- De bonnes, d’excellentes raisons, appuyai-je, autant pour l’en convaincre que pour m’en convaincre moi-même.
Au fait, pourquoi ne voulais-je pas ?
Ah-oui, le challenge !
Foutu challenge !

F9assise

Elle s’est assise à même le sol, comme lorsqu’elle était petite et qu’elle faisait ses devoirs.
- Tu sais m’man, j’ai bien réfléchi. Ce soir c’est mon anniversaire et…
- Ton anniversaire ? Déjà !!!
Elle a ri
- Je vais avoir dix-huit ans m’man, réveille-toi !
Dix huit ans ! Exactement l’âge que j’avais quand je suis arrivée ici. Je ne l’avais pas vue grandir.
- tu vas avoir dix-huit ans et ?
- Et j’ai une idée de cadeau pour mon anniversaire. T’inquiète, ça te coûtera pas un sou ! prévint-elle en se dirigeant vers le téléphone.

F9Georges

Elle appela son ami Georges et lui sortit sans ménagement :
- On s’est super bien entendus nous deux. Tu veux m’aider à bien grandir Georges ? Si tu fais ça, je te roule une pelle.

F9grandir

Sacrée Amoua ! Elle ne changerait donc jamais ?
Je n’y tenais pas plus que ça d’ailleurs.
Points : 446

F9Grandirbis

Et devant un Georges médusé elle devint une superbe jeune femme.

F9reconnaissant

Elle avait dû assurer, car Georges lui prouva sa reconnaissance en lui offrant un cadeau royal.
J’étais contente pour elle. Elle n’aurait pas à attendre bien longtemps avant de pouvoir en profiter.

G1Aamoua

- Amoua ! Tu ne m’as toujours pas dit ce que tu voulais comme cadeau d’anniversaire, soulignai-je.
- Je suis pas seule à décider. Je te le ferai savoir en temps voulu m’man. Pour cette nuit, je vais au lit. Demain il fera jour.

G1Alors

Samedi 45^ème jour
- Alors Amoua, tu me le dis ou pas ? Qu’est ce qui te ferait tellement plaisir pour ton anniversaire ?
La question m’avait travaillée une bonne partie de la nuit, m’empêchant de me concentrer sur les derniers chapitres de mon livre de nettoyage.
- Ben voilà : Tu te souviens quand on était petits Engrang et moi, les week-ends sur le terrain communautaire avec papa, quand on jouait à être une vraie famille ? Aujourd’hui, j’aimerais y croire encore. J’aimerais que le jeu reprenne avec un peu plus de réalisme.

G1alorsbis

- Tu voudrais que j’invite ton père et que nous allions tous les trois sur le terrain communautaire ? C’est ça ?
- Pas que ça maman. Je voudrais que cette nuit papa reste dormir chez nous. Je voudrais que nous puissions prendre le petit déjeuner tous ensemble, que nous mangions tous ensemble, que nous vivions tous ensemble comme si demain ne devait jamais nous séparer.

G1anniversaire

Inviter Adrien à rester pour la nuit. Quelle magnifique idée ! Pourquoi n’y avais-je jamais pensé ? Le cadeau d’anniversaire d’Amoua devenait mon cadeau à moi. Le plus beau cadeau qu’elle puisse me faire.
Adrien se déclara lui-même enthousiasmé à cette idée. Il demanda simplement :
- C’est une idée de ta mère ou de toi, Amoua ?
- Une idée de moi, papa.
Ils échangèrent un long regard dont je me sentis exclue.

G1Bain

Après le pique-nique, Amoua annonça :
- Je vais faire un tour à la salle de sports, soyez sages les amoureux ! Pas de bêtises dans le bain à remous, je compte sur vous !
Nous retrouver là tous les deux, après toutes ces années, après tous ces rendez-vous où les remous du jacuzzi s’étaient refermés sur nous, complices de nos folies.
- Tu te souviens Adrien ?
- Si je m’en souviens, mon cœur ?

G1bainbis

Il n’avait pas changé. Le temps qui m’avait fait outrage avait semblé glisser sur lui. J’admirais son corps d’athlète et souris en repensant à mon effarouchement le premier jour et à son amusement
- T’as jamais vu d’homme nu ?
Et plus tard
- Ca y est ? T’es plus gênée ? Tu t’y fais ?
Quelle enfant j’étais alors.

G1bras

Cette nuit là, pour la première fois de ma vie,
je m’endormis dans les bras de mon amour.

G1dejeuner

Dimanche 46^ème jour
Préparer le petit déjeuner pour l’homme que j’aime. Sentir sa présence dès le matin et me réveiller au son de sa voix. Tant de petits bonheurs dont je m’étais privée par simple entêtement. Fallait-il être bête !
Mais pourquoi n’avais-je pas envoyé ce challenge au diable ? Nous aurions pu vivre si heureux, Adrien, les enfants et moi.
- T’as vu papa, il a neigé cette nuit. Depuis toute gamine, j’ai toujours adoré la neige. C’est beau ! C’est pas comme la pluie, la pluie…

G1Dejeunerbis

- Notre fille est une vraie pipelette, elle n’arrête pas depuis ce matin. Je la savais pas si bavarde. Fit remarquer Adrien.
Il la connaissait donc si mal ?
Bien sûr, il la connaissait mal. Il l’avait vue grandir par épisodes. Il n’était pas là pour lui tenir la main, lui apprendre à parler, à marcher et plus tard l’emmener à l’école, l’aider à faire ses devoirs. Mon égoïsme l’avait tenu à l’écart de notre vie pendant tant d’années. Trop d’années !

G1epouser

- Adrien ! dis-je en me jetant à ses pieds, pourras-tu jamais me pardonner ?
- Te pardonner quoi, Hélaime ? Il n’y a rien à pardonner.
- Oh-si ! Tant de choses au contraire. Ne dis pas que tu n’as pas souffert. Que tu n’as rien à me reprocher.
- Tu veux vraiment le savoir Hélaime ?
Non, par pitié !
Mais il était trop tard pour se rétracter et j’allais devoir entendre.

G1fiancailles

Il ne m’épargna pas :
- J’ai souffert à en crever ! Chaque jour, quand je venais te voir, je me disais, j’espérais : Elle acceptera peut-être aujourd’hui. Elle va bien finir par comprendre. Chaque jour, je venais comme un mendiant grappiller des miettes de bonheur. Pourquoi m’avoir repoussé Hélaime ? Pourquoi ne m’as-tu pas épousé ?
J’ai porté la main sur ma bague de fiançailles, la preuve de mon engagement, et tenté de me justifier, la gorge serrée
- Mais… nous étions quand même fiancés.
Il lâcha d’un ton amer
- Fiancés ! As-tu jamais su ce que signifiaient des fiançailles ? C’est une promesse Hélaime ! La promesse que se font deux êtres qui s’aiment de passer leur vie ensemble, de vieillir ensemble, de fonder une famille ensemble. ENSEMBLE ! Entends-tu ?! Pas sur des routes différentes ! Pas chacun de son côté !

G1parti