14. Ca tient à quoi le bonheur ?
Je ne sais pas pourquoi, - bien qu’Adrien et moi soyons d’accord pour reconnaître que cette soirée fut un véritable paradis -, elle apparaît dans ma mémoire comme une course contre la montre.
- T’es VRAIMENT obligée de rentrer si vite ? m’a demandé Adrien, après nos ébats dans le bain à remous. Tu veux pas qu’on aille manger quelque chose au restaurant ? Je t’invite !
Pour une fois qu’il m’y invitait, c’était pas de chance. Je déclinai la proposition.
- Nan, t’es gentil, je suis pas tranquille. Et puis la nounou va me ruiner, tu te rends pas compte !
Avant même de descendre du taxi, je criai par la portière :
- Ca y est, je suis rentrée ! Vous pouvez partir maintenant, on va se débrouiller.
La nounou eut l’air surprise.
- Déjà ?!! Vous avez fait vite, dites-donc ! Vous me devez rien que 30 $.
Je respirai : 30 $ pour assurer les récoltes de la journée, c’était un bon investissement.
C’est alors, que faisant fi de tout ce que j’avais pu dire, la nounou alla se servir sur mon arbre à flouze au lieu de quitter les lieux.
Je l’aurais tuée !! J’ai hurlé
- Fichez-moi le camp, voleuse ! Voleuse ! Voleuse !
Mais le mal était fait. Et 70 $ pour une seule soirée, là ça commençait à faire cher.
Mardi 16ème jour
La grande affaire de la journée à été d’apprendre à marcher à Engrang.
Mais au bout de plusieurs heures d’efforts entrecoupées de tâches incontournables, le résultat était acquis : Mon fils marchait !
Et dans la foulée… il apprit à se servir de son pot. Merci la baignoire !
Mercredi 17ème jour
La journée a commencé en fanfare, quand j’ai pu ficeler ma cinquième liasse de billets de 10 simflouzes. Ce qui portait à 2 500 $ ma capacité d’autofinancement.
Points : 86
Adrien avait retrouvé le chemin de la maison pour les rendez-vous matinaux.
- On s’est quittés trop vite hier soir, Hélaime. Ca te dirait d’aller pique-niquer pour le petit déjeuner ?
Me retrouver en tête à tête avec lui était toujours un grand moment de bonheur pour moi. Mais… je dus faire de nouveau appel à l’agence de placement des nourrices et je perdis un peu de mon enthousiasme en constatant qu’il m’avaient encore refilé la voleuse qui se précipita sur le travail journal.
- Attends une minute ! intimai-je à Adrien.
Le temps de sortir le petit lit d’Engrang, de ranger mon arbre à flouze dans la cabane, de verrouiller la porte pour tout le monde sauf pour la famille, et je montai dans le taxi.
Quelle ne fut pas ma déception quand je vis par la vitre arrière, que la nounou se considérait comme faisant partie de la famille ! Heureusement que la cueillette était fraîche. Je me promis que la prochaine fois – s’il devait y avoir une prochaine fois – je barricaderais la porte POUR TOUT LE MONDE - sauf pour moi et encore…
Dès mon retour, j’entrepris d’apprendre à parler à Engang. Ainsi son éducation serait complète et il serait assuré de grandir dans de bonnes conditions.
Accaparée par cette ultime tâche, je ne m’aperçus pas immédiatement de l’arrivée de Laurent.
- Salut ! Ca va ? Tu t’en tires ?
Il y avait une paye qu’il ne s’enfuyait pas comme un voleur après avoir renversé ma poubelle ou chapardé mon journal. Il semblait enfin revenu à de meilleures dispositions.
J’abandonnai l’apprentissage et mis Engrang au lit pour répondre à son salut.
- Heu… je crois que j’y suis allé un peu fort la dernière fois, s’excusa Laurent.
- Ca, tu peux le dire, acquiesçai-je en portant machinalement la main à ma joue, comme si la brûlure de la gifle se faisait encore sentir.
- Je suppose qu’après ça, tu voudras plus entendre parler de notre amitié, alors je suis venu te dire que je regrette, ajouta Laurent en prenant un air misérable.
Je pris le temps de réfléchir.
- Si tu promets, que tu ne recommenceras jamais et si tu te sens capable de t’en contenter. Rien ne nous empêche d’être bons amis, finis-je par conclure.
Au terme de la journée, Engrang avait fini par apprendre tous les rudiments du langage.
Points : 96
Il était temps pour lui de grandir et pour moi, de prendre un peu de repos. J’avais toutes les raisons de me montrer fière de moi. Non seulement j’étais parvenue à lui donner les bases d’une bonne éducation, mais mon petit bonhomme éclatait de joie de vivre. Un vrai miracle !
Points : 101
Pour marquer cet événement, Adrien crut bon de nous offrir un téléviseur géant. Heureusement qu’Engrang était occupé par ailleurs. Je ne sais pas comment j’aurais pu m’y prendre pour lui expliquer que nous ne pouvions pas le conserver. Je l’ai placé dans son inventaire avec le reste. Il sera toujours heureux de le trouver quand je ne serai plus.
Jeudi 18ème jour
Comme cadeau d’anniversaire, j’ai offert à Engrang un jeu de fléchettes qui restera définitivement à la maison.
Pas question de le revendre, tout comme les toilettes et le téléphone. Notre patrimoine se résumait, outre les objets pré-cités à un jeu d’encastrement et un lit de bambin. Quant à la maison… elle ne comptait toujours que 8 murs.
Comme j’étais fière quand mon grand garçon est monté dans le bus de ramassage scolaire pour son premier jour d’école. Fière et soulagée à la fois, car je savais que la cantine de l’école avait la réputation d’être bonne et qu’il serait assuré de ne pas souffrir de la faim.
Notre complicité ne fit que croître et embellir. J’aidais Engrang à faire ses devoirs, nous nous livrions des batailles acharnées de bombes à eau, et le terrain retentissait de rires sonores. Aussi incroyable que ça puisse paraître, je peux affirmer que nous étions heureux.
Ce bonheur, nous n’allions pas tarder à le partager car ce soir là, j’eus de bonnes raisons de croire que je n’allais pas tarder à devenir mère à nouveau.
Beaucoup de femmes m’envieraient mon petit garçon. Engrang était presque toujours de bonne humeur et il ne demandait qu’à se rendre utile à la maison. Un vrai soulagement car cette seconde grossesse s’annonçait plus difficile que la première.